> English text

UN MOUVEMENT, UNE PERIODE
Dossiers pédagogiques sur les collections du Musée national d'art moderne





Genèse de l'Art surréaliste

Les artistes et leurs œuvres:
Giorgio De Chirico, Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, 1914
Max Ernst, Ubu Imperator, 1923
Man Ray, Le Violon d’Ingres, 1924
Joan Miró, La Sieste, 1925
René Magritte, Querelle des universaux, 1928
Salvador Dali, Lion, Cheval, Dormeuse invisibles, 1930
Victor Brauner, Loup-Table, 1939-1947

Textes de référence
Texte extrait de "La glace sans tain", Les Champs magnétiques, André Breton et Philippe Soupault, 1919
Définition du Surréalisme, in André Breton, Manifeste du Surréalisme, 1924
Poème de Joan Miró, novembre 1936

Glossaire du Surréalisme

Chronologie

Bibliographie sélective

 

 

Ce dossier s’inscrit dans une série “Un mouvement, une période ”, qui sera régulièrement augmentée dans cette partie du site.
• Ces dossiers sont réalisés autour d’une sélection d’œuvres des principaux mouvements ou tendances représentés dans les collections du Musée national d’art moderne,
• S’adressant en particulier aux enseignants ou aux responsables de groupe, ils ont pour objectif de proposer des points de repères et une base de travail pour faciliter l’approche et la compréhension de la création au 20e siècle, ou pour préparer une visite au Musée.*

Chacun de ces dossiers comporte :
- une présentation générale permettant de définir et de situer le mouvement dans un contexte historique, géographique et esthétique,
- une sélection des œuvres des collections du Musée les plus représentatives, traitées par fiches comportant une notice d’œuvre, une reproduction et une biographie de l’artiste,
- un ou plusieurs textes de référence apportant en complément une approche théorique,
- une chronologie,
- une bibliographie sélective.

*A NOTER
Les collections du Musée comportent plus de 59 000 œuvres. Régulièrement, le Musée renouvelle les œuvres présentées dans ses espaces situés aux 4e et 5e niveaux du Centre Pompidou. Les dossiers pédagogiques sont réalisés en lien avec ces accrochages.
Pour en savoir plus sur les collections du Musée : www.centrepompidou.fr/musee.


Genèse de l'Art surréaliste

Le groupe des Surréalistes s’est formé à partir de l’esprit de révolte qui caractérise les avant-gardes européennes des années 20. Tout comme le mouvement Dada, auquel certains ont appartenu, ces poètes et ces artistes dénoncent l’arrogance rationaliste de la fin du 19e siècle mise en échec par la guerre. Constatant néanmoins l’incapacité du Dadaïsme à reconstruire des valeurs positives, les Surréalistes s’en détachent pour annoncer l’existence officielle de leur propre mouvement en 1924.

Dominé par la personnalité d’André Breton, le Surréalisme est d’abord d’essence littéraire. Son terrain d’essai est une expérimentation du langage exercé sans contrôle. Puis cet état d’esprit s’étend rapidement aux arts plastiques, à la photographie et au cinéma, non seulement grâce aux goûts de Breton, lui-même collectionneur et amateur d’art, mais aussi par l’adhésion d’artistes venus de toute l’Europe et des États-Unis pour s’installer à Paris, alors capitale mondiale des arts.

Les artistes surréalistes mettent en œuvre la théorie de libération du désir en inventant des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve. S’inspirant de l’œuvre de Giorgio De Chirico, unanimement reconnue comme fondatrice de l’esthétique surréaliste, ils s’efforcent de réduire le rôle de la conscience et l’intervention de la volonté. Le frottage et le collage utilisés par Max Ernst, les dessins automatiques réalisés par André Masson, les rayographes de Man Ray, en sont les premiers exemples. Peu après, Miró, Magritte et Dali produisent des images oniriques en organisant la rencontre d’éléments disparates.

Leur première exposition collective a lieu à Paris en 1925. Puis le mouvement se diffuse à l’étranger pour atteindre une renommée internationale avec les expositions de 1936 à Londres et à New York, de 1937 à Tokyo, de 1938 à Paris, notoriété renforcée par l’immigration aux États-Unis de la majeure partie du groupe pendant la guerre. Le Surréalisme a ainsi profondément inspiré l’art américain : la pratique de l’automatisme est par exemple l’une des origines du travail de Jackson Pollock et de l’Action Painting, tandis que l’intérêt porté par les Surréalistes au thème de l’objet annonce le Pop Art.

Le Surréalisme est un mouvement qui se développe pendant plus de quarante ans, depuis les avant-gardes historiques du début du siècle jusqu’à l’émergence de nouveaux courants dans les années 60 : outre la peinture américaine et le Pop Art, l’art surréaliste a motivé l’apparition d’une seconde vague avant-gardiste en Europe dans les années 60, dont le Nouveau Réalisme est l’éminent représentant.

Lien vers le dossier Pop Art

Lien vers le dossier Nouveau Réalisme

Giorgio De Chirico
Volos, Thessalie, 1888 - Rome, 1978

DeChirico-M.jpg (5092 octets) Giorgio De Chirico, Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, 1914
Huile sur toile
81,5 x 65 cm
© Adagp, Paris 2007



Ce tableau, vraisemblablement intitulé Homme-cible lors de sa création, n’a acquis son titre définitif qu’après la blessure de Guillaume Apollinaire en 1916, que De Chirico avait, en quelque sorte, annoncée.

En effet, le portrait en ombre chinoise, qui apparaît dans une fenêtre au second plan du tableau, comporte sur la tempe un cercle blanc qui figure une cible, précisément à l’endroit où le poète sera atteint par un éclat d’obus pendant la guerre. Cette coïncidence a été interprétée comme un signe du destin par Apollinaire lui-même, ainsi que par les Surréalistes enclins à reconnaître chez De Chirico quelques facultés visionnaires. Un dessin de ce portrait a appartenu à Paul Éluard, grâce auquel l’œuvre a été diffusée au sein du groupe, tandis que le tableau, offert au poète par l’artiste, a longtemps fait partie des collections privées de ses héritiers.

Le vif intérêt qu’a suscité cette œuvre auprès des Surréalistes ne se limite cependant pas à la prémonition. De même que les images des rêves condensent des significations multiples, les éléments de la composition autorisent des lectures qui se superposent et s’enrichissent mutuellement. Le profil d’Apollinaire s’inspire d’un portrait numismatique, réalisé la même année par De Chirico, qui érige le poète au rang d’un empereur antique, cette grandeur étant nuancée par le choix d’une représentation en ombre chinoise qui évoque les lanternes magiques, ou encore les cibles qui défilent dans les jeux de tir.

La statue au premier plan superpose elle aussi plusieurs images. Peinte sur le modèle de la Vénus de Milo, elle doit être identifiée au poète Orphée, dont la figure est suggérée par ses attributs, le poisson et la conque. Elle porte des lunettes noires qui symbolisent la cécité, infirmité associée dans la mythologie grecque à la sagesse.

Ainsi, la composition d’ensemble propose une "énigme", selon le mot de De Chirico, à déchiffrer par association d’idées, qui fait apparaître Apollinaire comme l’incarnation même de la poésie hypostasiée en sagesse.


Biographie

D’origine italienne, Giorgio De Chirico naît et grandit dans une ville portuaire à l’Est de la Grèce, fréquente l’Institut Polytechnique d’Athènes, en même temps qu’une école de dessin et de peinture. Il poursuit ses études d’art à Munich, où il est attiré par la peinture de Böcklin, et par la philosophie de Nietzsche.

Son installation à Paris en 1911 lui fait découvrir les paysages de la modernité, dont les symboles, comme les gares, les cheminées, les enseignes, se mêlent à ses souvenirs de Grèce et d’Italie. Ces superpositions lui inspirent des peintures volontairement énigmatiques qu’Apollinaire qualifie de "métaphysiques". Régulièrement exposées à partir de 1912 au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants, ces toiles représentent des objets juxtaposés, dont certains sont récurrents, des éléments architecturaux qui projettent des ombres accentuées, des sculptures antiques qui se confondent bientôt avec les mannequins des ateliers de couture, ou encore un gant ou un artichaut.

En 1915, l’entrée en guerre de l’Italie mobilise l’artiste à Ferrare, ville dont l’architecture lui suggère une série de peintures intitulée "Intérieurs métaphysiques", où l’espace se fragmente en une multiplicité de points de vue, allant du trompe-l’œil à la perspective la plus vertigineuse. En 1918, il s’installe à Rome, où il participe à la fondation de Valori Plastici, revue qui s’oriente rapidement vers la défense de l’art italien du Quattrocento.

De Chirico désavoue alors sa production passée au moment où elle est reçue comme une révélation par les Surréalistes : en 1922, une grande exposition personnelle lui est consacrée à Paris, préfacée par André Breton.

Max Ernst
Brühl, près de Cologne, 1891 - Paris, 1976

Ernst-M.jpg (4752 octets) Max Ernst, Ubu Imperator, 1923
Huile sur toile
81 x 65 cm
© Adagp, Paris 2007



Acquise par Paul Éluard avec deux autres grandes huiles sur toile, Ubu Imperator marque d’emblée l’entrée de Max Ernst dans le champ du Surréalisme. Cette œuvre illustre avec éclat la combinatoire d’éléments hétérogènes, héritée du collage. Sa force est de produire une image unifiée, tout en conservant la perturbation, introduite dans la vision, par chacun des éléments : pointe de la toupie, carcasse rouge où transparaît une armature de fer, mains humaines exprimant l’étonnement.

Ainsi se compose, dans le jeu et la dérision, l’image du Père Ubu, symbole grotesque de l’autorité inventé par Alfred Jarry. Plus encore, sous ce déguisement ressurgit l’enfance de Max Ernst, une vision de "demi-sommeil" selon les termes mêmes de sa description, dans laquelle les prestiges de l’autorité paternelle ainsi que ceux de la création artistique sont désacralisés. Derrière la bouffonnerie du pouvoir désignée par la toupie Ubu, c’est aussi toute l’esthétique traditionnelle – construction rationnelle et perspective géométrique - qui est tournée en ridicule.

Un an avant la parution du Manifeste du surréalisme, Ernst élabore non seulement la définition des voies formelles dans lesquelles il s’engage - processus complexe d’alchimie visuelle où se superposent et se combinent des symboles résurgents de l’enfance - mais surtout le sens de sa propre attitude devant l’acte de peindre, à la fois distanciée et ironique, qui commandera toute sa poétique.


Biographie

Max Ernst étudie la philosophie et l’histoire de l’art à l’université de Bonn de 1909 à 1912. Après sa mobilisation durant la Première Guerre mondiale, il crée avec Arp et Baargeld une section Dada à Cologne. Inspirés par la peinture de De Chirico diffusée par la revue Valori Plastici, ses premiers collages composés en 1919 jouent sur la multiplicité des sens, l’ambiguïté et la contradiction, pour échapper à toute logique. Ces travaux sont présentés à Paris en 1921 lors d’une exposition organisée par André Breton, posant ainsi les bases esthétiques du futur groupe surréaliste.

Dans le cadre des recherches de ce jeune mouvement, Max Ernst invente de nouvelles techniques picturales comme le frottage en 1925 : grâce à ce procédé qui relève du hasard, il instaure une distance face à l’œuvre qui le conduit à se situer "au-delà de la peinture". De même, il invente en 1929 le roman-collage avec La Femme cent têtes, puis réalise des sculptures, des décors pour les Ballets russes.

Son œuvre occupe une part importante de l’exposition "Fantastic art, Dada and Surrealism" organisée en 1936 au MoMA de New York, où quarante-huit de ses tableaux sont présentés. La Seconde Guerre mondiale le conduit à s’exiler aux États-Unis où il peint une série de toiles, notamment Le Surréalisme et la peinture, de 1942, (titre faisant écho au célèbre ouvrage d’André Breton) pour laquelle il utilise la technique du "dripping". Un véritable manifeste de l’automatisme est ainsi proposé à la jeune génération de peintres américains qui sera profondément marquée par ses innovations. Il épouse Peggy Guggenheim en 1942 puis, en 1946, Dorothea Tanning, avec laquelle il s’installe en Arizona avant de revenir en France en 1953.

Man Ray
Philadelphie, 1890 - Paris, 1976


ManRay-M.jpg (4349 octets) Epreuve gélatino-argentique montée sur papier
31 x 24,7 cm (hors marge : 28,2 x 22,5 cm)

© Man Ray Trust / Adagp, Paris 2007

Dans ses mémoires, Man Ray raconte qu’Alice Prin, dite Kiki de Montparnasse, refusait de poser pour lui, parce que, disait-elle, "un photographe n’enregistrait que la réalité". Relatant sa réponse à Kiki, il poursuit : "Pas moi… je photographiais comme je peignais, transformant le sujet comme le ferait un peintre. Comme lui, j’idéalisais ou déformais mon sujet". Le Violon d’Ingres illustre particulièrement ces propos évoquant une photographie à mi-chemin entre la peinture et la reproduction mécanique.

Le corps de Kiki vu de dos ainsi que la position de sa tête, coiffée d’un turban oriental, rappellent les baigneuses d'Ingres, notamment le personnage situé au premier plan du Bain turc, référence suggérée à Man Ray par la perfection du corps de la jeune femme qui, dit-il, "aurait inspiré n’importe quel peintre académique".

Grâce aux deux ouïes dessinées à la mine de plomb et à l’encre de Chine sur l’épreuve, le corps est ici métamorphosé en violon. Si Man Ray joue avec l’expression populaire "avoir un violon d’Ingres", c’est-à-dire un hobbie, qui rappelle qu’Ingres était un fervent violoniste, il entend aussi révéler l’érotisme de la jeune femme et sa propre passion : elle est son violon d’Ingres. Le photographe évoque ainsi le thème de "l’amour fou", qu’André Breton explore à son tour dans l’ouvrage éponyme de 1937.

Enfin, le rapprochement d’un corps de femme et d’un violon illustre le principe de la rencontre insolite cher aux surréalistes. À cet égard, cette photographie est publiée pour la première fois en juin 1924 sur la page de garde du numéro 13 de la revue d’André Breton et Philippe Soupault, Littérature, et a longtemps appartenu à Breton. C’est ce tirage original que possède le Mnam, ainsi qu’une variante où Kiki pose de profil.

Man Ray ayant autorisé des retirages à plusieurs reprises, il existe d’autres exemplaires de cette photographie. À partir de l’une des rééditions, il réalise en 1965 une autre version du Violon d’Ingres en traçant quatre cordes, non pas en trompe-l’œil comme les ouïes, mais au milieu de l’image sur toute sa longueur.

Le Bain turc de Jean-Auguste Dominique Ingres au Musée du Louvre




Biographie

Après ses études secondaires, Emmanuel Rudnitsky occupe divers emplois dans la publicité et le graphisme, tout en commençant à peindre: il adopte alors son nom d’artiste, Man Ray ou "l’homme-rayon".

En fréquentant régulièrement, à New York, la galerie 291 dirigée par le photographe Alfred Stieglitz, puis la célèbre exposition de l’Armory Show en 1913, il découvre les avant-gardes européennes, et en particulier les travaux de Marcel Duchamp, dont Man Ray fait la connaissance deux ans plus tard, pour nouer une amitié de toute une vie. Ensemble, ils assistent Katherine S. Dreier, riche mécène américaine, dans la création d’un musée d’art contemporain en 1920: "La Société anonyme". La même année, ils inaugurent aussi une section Dada à New York en publiant une revue, dont il ne paraît qu’un numéro: "L’époque n’en méritait pas davantage. C’était une dadadate" dira Man Ray. C’est durant cette période qu’il s’initie en autodidacte à la photographie, d’abord pour reproduire ses peintures ainsi que les travaux de Duchamp, puis pour réaliser des portraits.

Après son installation à Paris en 1919, parallèlement à un travail de studio, notamment pour le couturier Paul Poiret, il fréquente les Surréalistes et poursuit ses recherches personnelles en expérimentant de nouveaux procédés comme le rayographe. Il en publie le résultat dans un ouvrage intitulé les Champs délicieux, en hommage aux Champs magnétiques de Soupault et Breton. Il réalise aussi quelques films comme Retour à la raison en 1922, ainsi que des objets surréalistes. Celui que Duchamp définit comme "nom masculin : syn. de joie, jouer, jouir" participe à toutes les expositions surréalistes de 1925 à 1959.

Man Ray sur Internet:
http://www.manray-photo.com/

Joan Miró
Barcelone, 1893 - Palma de Majorque, 1983

Joan Miró, La Sieste, 1925
Huile sur toile
113 x 146 cm

Cette toile, qui appartient à la période des "peintures de rêve" initiée en 1924, est significative de la contribution de Joan Miró au Surréalisme. Tout en prenant appui sur le réel, le peintre élabore son propre univers onirique constitué d’un répertoire de signes, inspirés de l’œuvre de Paul Klee, qu’il disperse sur un espace pictural monochrome et sans repère, à la limite du vide.

Le processus de simplification dont est issue la Sieste peut être reconstitué à partir des dessins préparatoires de Miró. Dans l’un d’eux, une femme est allongée par terre devant une maison sur laquelle figure un cadran solaire; au loin, sur une plage, quatre personnages dansent la sardane. Au-delà se dressent les pics des montagnes de Montroig, lieu de villégiature de Miró en Catalogne, tandis que dans le ciel s’élève un soleil flamboyant. Dans un autre dessin qui préfigure le résultat final, Miró a rassemblé ces différents éléments en les schématisant: la femme et la maison sont confondues en une sorte de cerf-volant blanc; les flèches du cadran solaire agrandies indiquent le chiffre 12, l’heure de la sieste; la ronde des danseurs se traduit par un cercle de pointillés; la crête des montagnes devient une sorte de parapluie renversé.

Le résultat de cette simplification progressive est une restructuration du tableau qui donne toute son importance au fond et à la couleur.

Biographie




Très tôt passionné par le dessin, Joan Miró est contraint de suivre une formation de comptable. À la suite d’une maladie qui l’isole quelques mois, il se réoriente vers la peinture en s’inscrivant, en 1912, dans une école d’art de Barcelone. L’enseignement anti-académique de l’établissement lui fait découvrir les artistes pionniers de l’art moderne comme Cézanne, les Fauves et les Cubistes, dont ses premières toiles ressentent l’influence.

À partir de 1918, date de sa première exposition personnelle à Barcelone, il entame une période "détailliste", série de peintures où chaque détail est précisément représenté dans un style naïf, comme dans La Ferme de 1921-22, achetée par Hemingway. Son travail se détache progressivement de ce réalisme méticuleux sous l’influence du milieu artistique parisien qu’il fréquente au cours de nombreux séjours effectués à partir de 1920: introduit par son compatriote Pablo Picasso, Miró rencontre André Masson, son voisin, par l’intermédiaire duquel il rejoint le groupe surréaliste.

La montée de la violence en Europe dans les années 30 l’oriente vers une recherche plus dramatique qui aboutit à une série de pastels à la fois effrayants et grotesques, ses "peintures sauvages". La guerre d’Espagne l’oblige à se fixer à Paris, puis en Normandie, où en 1940 il commence la série des Constellations reproduites dans un ouvrage préfacé par Breton. En 1941, la première rétrospective de son œuvre au MoMA de New York le consacre.

Après la guerre, une grande diversité d’œuvres voit le jour, aussi bien des céramiques que des fresques, par exemple le panneau mural de l’UNESCO à Paris en 1958, la série des 3 Bleus de 1961, vastes surfaces monochromes vigoureusement ponctuées, ou encore des sculptures monumentales telles que la pièce réalisée pour le parvis La Défense en 1978.

René Magritte
Lessines, 1898 - Bruxelles, 1967


Magritte-M.jpg (5480 octets) René Magritte, Querelle des universaux, début 1928
Huile sur toile
53,5 x 72,5 cm
© Adagp, Paris 2007



Cette peinture est l’une des premières de la série des "peintures-alphabets" ou "peintures-mots" réalisée par Magritte au cours de son séjour parisien de 1927 à 1930. Ces œuvres constituent une proposition pour établir un nouveau rapport entre les mots et la peinture, révélant ainsi l’ambiguïté des liens entre les objets réels, leur image et leur nom. Ce problème est aussi abordé par Magritte dans "Les mots et les images", article publié en décembre 1927 dans La Révolution surréaliste, qui présente un tableau confrontant des énoncés linguistiques à des vignettes illustratives. Par exemple, la première phrase nous apprend qu’"un objet ne tient pas tellement à son nom qu’on ne puisse lui en trouver un autre qui lui convienne mieux".

La Querelle des universaux pourrait illustrer cet autre énoncé tiré de l’article: "parfois le nom d’un objet tient lieu d’une image". En effet, les mots "feuillage", "cheval", "miroir", "convoi", écrits sur la toile, remplacent l’image qu’ils désignent. Placés à l’extrémité des pointes d’une étoile énigmatique et inscrits chacun sur une tache brune, "une forme quelconque qui peut remplacer l’image d’un objet", ces mots participent pleinement à la composition spatiale d’une nouvelle image fantomatique. Grâce à cette toile, la connexion que nous établissons spontanément entre les objets, les images et les mots, se trouve mise en déroute.


Biographie

Né dans le Hainaut, au sud de la Belgique, René Magritte s’installe à Bruxelles en 1915, un an après le suicide de sa mère, retrouvée noyée, une chemise lui masquant le visage. Son souvenir est sans doute à l’origine de nombreuses peintures où Magritte présente des figures voilées. Après des études à l’Académie des Beaux-arts de Bruxelles de 1916 à 1918, il est employé comme dessinateur dans une usine de papier peint, et parallèlement à ce travail, peint des toiles abstraites.

En 1925, la découverte de l’œuvre de De Chirico l’incite à adopter une facture réaliste pour représenter des objets quotidiens comme des chaussures, des clés … organisés selon des rapports formels déroutants et dans des situations invraisemblables. En 1926, en compagnie des poètes Marcel Lecomte, Camille Goemans et E.L.T. Mesens, il fonde le groupe surréaliste belge, avant de rejoindre pour trois ans, à Paris, le groupe d’André Breton.

De retour à Bruxelles en 1931, tout en étant devenu le chef de file du Surréalisme en Belgique, Magritte ouvre un atelier de création publicitaire, activité qui n’est pas sans lien avec le style de sa peinture. Pendant la guerre, il revient brièvement à l’Impressionnisme, pour retrouver ensuite sa facture classique et traiter de nouveaux thèmes surréalistes. En 1973, Michel Foucault lui consacre son célèbre essai Ceci n’est pas une pipe.

Salvador Dali
Figueras, 1904 - Figueras, 1989


Dali-M.jpg (7899 octets) Salvador Dali, Lion, Cheval, Dormeuse invisibles, 1930
Huile sur toile
50,20 x 65,20 cm
© Salvador Dali, Fondation Gala - Salvador Dali / Adagp


Composée au printemps 1930, cette toile développe pour la première fois le processus d’apparition des images doubles, triples, et même multiples, qui relèvent de l’activité paranoïaque critique tout juste instituée par Dali: "récemment, au travers d’un processus nettement paranoïaque, j’ai obtenu l’image d’une femme dont la position, les ombres et la morphologie, sans altérer ni déformer en rien son aspect réel, sont en même temps un cheval". Par cette multiplication des images possibles, Dali entend instaurer un doute sur ce que représente l’image, pour étendre ensuite cette attitude critique à toute la réalité: "on pose le doute mental de savoir si les images mêmes de la réalité sont uniquement un produit de notre faculté paranoïaque".

Dans cette toile, la remise en cause de l’univocité de la perception est provoquée par la métamorphose d’une barque en un corps de femme, puis de cheval, d’une chevelure qui devient une crinière, dans un décor de plage qui, peuplé de motifs architecturaux, évoque le Modern Style tant admiré par Dali.

Exposée au cinéma d’art et d’essai de Montmartre, le Studio 28, à l’occasion de la première projection de l’Âge d’or co-réalisé par Dali et Buñuel, l’œuvre a été lacérée par un public hostile, ce qui témoigne du scandale suscité par l’artiste au début des années 30.


Biographie



Originaire de Catalogne, Salvador Dali entre en 1921 à l’École des Beaux-arts de Madrid, d’où il est renvoyé en 1926 pour indiscipline. De cette formation, il conserve malgré tout l’amour de la grande peinture, qu’il complète par la découverte des avant-gardes artistiques telles que le Futurisme italien, le Cubisme et l’œuvre de De Chirico. À cette époque, il fréquente les milieux anarchistes et se lie d’une profonde amitié avec le poète Federico Garcia Lorca, qui écrit l’Ode à Salvador Dali, et avec Luis Buñuel alors étudiant.

Il commence à produire une œuvre personnelle autour de 1927, par exemple la toile intitulée Le sang est plus doux que le miel, qui dépeint un paysage désertique où sont dispersées des figures insolites, dont ses premières formes molles. Mais ce n’est qu’avec le film Un Chien andalou, réalisé en 1929 avec Luis Buñuel, qu’il s’impose dans le milieu artistique et attire l’attention des Surréalistes.

Au cours de l’été 1929, ses nouveaux amis lui rendent visite en Catalogne avec, parmi eux, Helena Diakonova, surnommée Gala, future compagne de Dali. La même année a lieu sa première exposition personnelle à Paris. À partir de 1930, le scandale causé par la projection de L’Age d’or accroît sa notoriété. Il réalise de multiples objets surréalistes et applique à sa peinture la méthode paranoïaque critique.

Pendant la guerre, il séjourne aux États-Unis où il produit des illustrations, des publicités et rédige sa biographie, La Vie secrète de Salvador Dali. Il conçoit aussi des décors de théâtre et de cinéma, notamment pour Spellbound en 1945 (La Maison du Dr Edwardes) d’Alfred Hitchcock. Par la suite, il partage son temps entre New York, Paris et Port-Lligat, où se trouve sa propriété de Cadaqués, ne cessant d’apparaître au cours d’interventions provocatrices.

Le site de la Fondation Gala – Salvador Dali :
http://www.salvador-dali.org/

Victor Brauner
(Pietra-Naemtz - Roumanie - 1903, Paris -1966)

Brauner-M.jpg (4351 octets) Victor Brauner, Loup-table, 1939-1947
Bois et éléments de renard naturalisé
54 x 57 x 28,5 cm
© Adagp, Paris 2007



Le Loup-table est un être hybride imaginé par Victor Brauner en 1939, d’abord sous forme de peinture. Il apparaît en effet dans deux tableaux, Fascination et Espace psychologique, tandis que l’objet en trois dimensions est réalisé pour l’Exposition internationale du Surréalisme de Paris, 1947, sans doute à la demande d’André Breton.

Il constitue un objet surréaliste, proche du ready-made avec sa table fabriquée en série, mais introduisant avec le renard naturalisé un "objet trouvé", notion propre au Surréalisme : il s’agit d’un objet qui s’impose de lui-même à la sensibilité du spectateur grâce à une forte connotation symbolique.

La fourrure du Loup-table, terme qui évoque lui-même le mot "redoutable", symbolise à la fois la chaleur et la mort, ce qui a conduit André Breton à interpréter cette œuvre comme un signe prémonitoire de la Seconde Guerre mondiale : "Victor Brauner seul alors a tablé sur la peur, et il l’a fait au moyen de la table que l’on sait… Cette période de son œuvre nous apporte le témoignage incontestablement le plus lucide de cette époque, elle seule est toute appréhension du temps qui va venir" (Le Surréalisme et la peinture, 1946).


Biographie

Originaire d’une petite ville des Carpates, Victor Brauner étudie la peinture à l’École des Beaux-arts de Bucarest, d’où il est renvoyé, ses œuvres étant jugées scandaleuses. À partir de 1924 jusqu’à la fin des années 20, il participe activement aux mouvements d’avant-garde de la capitale roumaine, proches de l’esprit dadaïste, en collaborant à de nombreuses revues. Parallèlement à ces activités, après avoir découvert l’œuvre de De Chirico lors d’un premier voyage à Paris, il pratique une peinture figurative, mettant en scène des figures d’animaux fantastiques.

En 1930, il s’installe définitivement en France, où il rejoint son compatriote Constantin Brancusi, grâce auquel il rencontre les Surréalistes. André Breton préface le catalogue de sa première exposition parisienne en 1934 qui présente des toiles suggérant un univers ubuesque. À cette époque, Victor Brauner développe aussi le thème de l’œil énucléé, ce qui sera interprété comme une prémonition, lorsqu’en 1938 Oscar Dominguez lui crève accidentellement un œil au cours d’une bagarre.

Après la guerre, il rompt avec le groupe surréaliste pour se rapprocher de Matta, lui-même exclu par Breton, avec lequel il collabore, notamment à la réalisation de quelques toiles.

En 1966, la France lui rend hommage en le désignant comme son représentant à la Biennale de Venise.


Textes de référence

Texte extrait de "La glace sans tain", Les Champs magnétiques, André Breton et Philippe Soupault, 1919

"Prisonniers des gouttes d’eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels. Nous courons dans les villes sans bruits et les affiches enchantées ne nous touchent plus. À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts ; nous regardons les visages ; et nous soupirons de plaisirs. Notre bouche est plus sèche que les pages perdues ; nos yeux tournent sans but, sans espoir. Il n’y a plus que ces cafés où nous nous réunissons pour boire ces boissons fraîches, ces alcools délayés et les tables sont plus poisseuses que ces trottoirs où sont tombées nos ombres mortes de la veille.

Quelquefois, le vent nous entoure de ses grandes mains froides et nous attache aux arbres découpés par le soleil. Tous, nous rions, nous chantons, mais personne ne sent plus son cœur battre. La fièvre nous abandonne.

Les gares merveilleuses ne nous abritent plus jamais : les longs couloirs nous effraient. Il faut donc étouffer encore pour vivre ces minutes plates, ces siècles en lambeaux. Nous aimions autrefois les soleils de fin d’année, les plaines étroites où nos regards coulaient comme ces fleuves impétueux de notre enfance. Il n’y a plus que des reflets dans ces bois repeuplés d’animaux absurdes, de plantes connues.

Les villes que nous ne voulons plus aimer sont mortes. Regardez autour de vous : il n’y a plus que le ciel et ces grands terrains vagues que nous finirons bien par détester. Nous touchons du doigt ces étoiles tendres qui peuplaient nos rêves. Là-bas, on nous a dit qu’il y avait des vallées prodigieuses : chevauchées perdues pour toujours dans ce Far West aussi ennuyeux qu’un musée".

Définition du Surréalisme, in André Breton, Manifeste du Surréalisme, 1924

"SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

ENCYCL. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. Ont fait acte de SURRÉALISME ABSOLU MM. Aragon, Baron, Boiffard, Breton, Carrive, Crevel, Delteil, Desnos, Éluard, Gérard, Limbour, Malkine, Morise, Naville, Noll, Péret, Picon, Soupault, Vitrac.

Ce semblent bien être, jusqu’à présent, les seuls, et il n’y aurait pas à s’y tromper, n’était le cas passionnant d’Isidore Ducasse, sur lequel je manque de données. Et certes, à ne considérer que superficiellement leurs résultats, bon nombre de poètes pourraient passer pour surréalistes, à commencer par Dante et, dans ses meilleurs jours, Shakespeare. Au cours des différentes tentatives de réduction auxquelles je me suis livré de ce qu’on appelle, par abus de confiance, le génie, je n’ai rien trouvé qui se puisse attribuer finalement à un autre processus que celui-là".

Poème de Joan Miró, novembre 1936, cité in Joan Miró, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 1997, p.14

"La belle comtesse
montre sa vieille cuisse
ses entrailles cuisent
les nuées

son rond ventre éventail
défie le soleil rond

Les poils de ses aisselles
se collent aux cils
des chérubins

L’orteil de son homme
transperce l’arbre fleuri
vérole du potager

un oiseau se pose sur le nez de son homme
et fait descendre la lune

la lune se pose sur le cul de son homme
et tombe amoureuse de l’arc-en-ciel

l’arc-en-ciel s’enferme dans le cercueil

et le cercueil dit à l’écureuil merdre! Veux tu finir"



Glossaire du Surréalisme


Cadavre exquis :

Le Cadavre exquis est le plus célèbre des jeux surréalistes. Pratiqué à partir de 1925, Ernst consiste à composer des poèmes ou des dessins à plusieurs, chacun inscrivant un mot ou un motif sur un papier plié, à l’insu des autres participants. Les œuvres ainsi obtenues présentent des rapprochements inattendus, comme la phrase "le cadavre exquis boira le vin nouveau", à laquelle le jeu doit son nom.

Collage :

Au sein du Surréalisme, le procédé du collage est surtout employé par Max Ernst. Dès 1919, il assemble des images issues de multiples domaines, dans le but de provoquer des rencontres insolites. À partir de 1929, il crée des romans-collages, séries d’images confectionnées à partir de gravures de la fin du 19e siècle ou de catalogues illustrés, et reliées entre elles par la simple répétition de motifs visuels.

À la différence du collage cubiste voué à la seule recherche plastique, et des photomontages éminemment politiques du dadaïsme allemand, le collage surréaliste suggère de nouvelles associations visuelles, poétiques et oniriques.

Décalcomanie :

Cette technique a été utilisée pour la première fois dans un cadre artistique par Oscar Dominguez en 1936. L’artiste presse une feuille blanche sur une autre feuille enduite de gouache noire, et répète l’opération, de manière à reporter plusieurs fois les taches de peinture. L’image qui en résulte permet à l’artiste de libérer son imagination en interprétant à sa guise les formes obtenues. À la suite d’Oscar Dominguez, Max Ernst applique le principe de la décalcomanie à la peinture à l’huile.

Écriture automatique :

Inspirée de la psychanalyse, et surtout de la poésie d’Arthur Rimbaud et de Lautréamont, l’écriture automatique consiste à écrire si rapidement que la raison et les idées préconçues n’ont pas le temps d’exercer leur contrôle. Le premier texte issu de cette méthode, Les Champs magnétiques de 1919, a été rédigé tour à tour par André Breton et Philippe Soupault.

Frottage :

Équivalent pictural de l’écriture automatique, le procédé du frottage a été découvert par Max Ernst à l’occasion d’un épisode précis de sa vie, en 1925. En fixant le plancher usé d’une auberge où il séjournait en Bretagne, il décide de relever l’empreinte de cette matière en frottant à la mine de plomb un papier posé sur les lattes de bois. Il étend ensuite ce procédé à d’autres textures et publie son premier recueil de frottages, Histoire naturelle, en 1926. Il poursuit cette recherche en utilisant la peinture à l’huile.

Fumage :

En 1937, le peintre autrichien Wolfgang Paalen invente le procédé du fumage : il réalise des dessins tracés en promenant la flamme d’une bougie sur une feuille de papier. Plus tard, il applique cette technique à la peinture à l’huile. Il annonce ainsi les peintures de feu d’Yves Klein.

Grattage :

Inventé par Max Ernst en 1927 comme extension du frottage, le grattage est surtout pratiqué par Esteban Francès, peintre d’origine espagnol et rallié au Surréalisme en 1937. Cette technique consiste à gratter à la lame de rasoir des couches superposées de peinture de différentes couleurs, afin de faire surgir des formes plus ou moins transparentes et diaprées.

Objet surréaliste :

Après les Ready-made de Marcel Duchamp, André Breton suggère au milieu des années 20 de fabriquer "certains de ces objets qu’on n’aperçoit qu’en rêve", et "dont le sort paraît infiniment problématique et troublant". Comme chez Duchamp, il s’agit d’assembler des objets déjà existants et de peu de valeur. Mais contrairement à lui, les surréalistes attendent du nouvel objet qu’il provoque une réaction affective, voire "une émotion sexuelle particulière" selon Salvador Dali.

Les plus célèbres des objets surréalistes sont dûs à Alberto Giacometti, Salvador Dali, Joan Miró, André Breton, Oscar Dominguez ou encore Man Ray.

Paranoïa-critique :

Développée par Salvador Dali à partir de 1929, la théorie de la paranoïa-critique consiste en un délire d’interprétation, appliqué non seulement à l’art, mais aussi à la réalité. Son but est de dépasser la perception habituelle jugée trop pauvre, au profit d’une appréhension du réel démultipliée.

Rayographe :

Le procédé du rayographe a été inventé par Man Ray en 1922. Il s’agit de réaliser des photographies sans appareils, en plaçant des objets sur une plaque sensible que l’on expose à la lumière.



Chronologie


1922
André Breton rompt avec le mouvement Dada en publiant des textes critiques dans sa revue Littérature, et regroupe autour de lui quelques poètes comme Robert Desnos, René Crevel ou Benjamin Peret. Ils poursuivent les recherches entreprises par Breton et Philippe Soupault dans les Champs magnétiques, texte écrit selon la méthode de l’écriture automatique et publié en 1919. Le groupe s’auto-désigne comme le "mouvement flou" jusqu’à l’officialisation du Surréalisme en 1924.

1924
Le mouvement est officialisé à Paris par la publication du Manifeste du Surréalisme, texte qu’André Breton avait initialement conçu pour préfacer la parution d’un recueil de poèmes automatiques, Poisson soluble. Il définit le Surréalisme comme "automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée". Breton tire ainsi les conséquences artistiques de la théorie psychanalytique, en particulier de l’interprétation des rêves par Freud.

La Révolution surréaliste remplace Littérature et un "bureau de recherches surréalistes" est ouvert : "son but initial est de recueillir toutes les communications possibles touchant les formes qu’est susceptible de prendre l’activité inconsciente de l’esprit".

Les peintres André Masson et Joan Miró rejoignent le mouvement.

1925
À la galerie Pierre, à Paris, le 13 novembre à minuit, est inaugurée la première exposition de peinture surréaliste, regroupant des œuvres de Giorgio De Chirico, Hans Arp, Max Ernst, Paul Klee, Man Ray, André Masson, Joan Miró, Picasso et Pierre Roy.

Max Ernst se consacre à ses premiers frottages.

Les premières expériences de "cadavre exquis", expression d’une pensée à plusieurs voix, sont réalisées.

Louis Aragon publie Le Paysan de Paris.

À Bruxelles, un groupe réuni par les écrivains Paul Nougé et E.L.T. Mesens autour de la revue Correspondance se lie avec les surréalistes français. Le peintre belge René Magritte réalise ses premières œuvres surréalistes et devient le chef de file de ce Surréalisme belge.

1926
André Masson réalise ses premiers tableaux "presque uniquement faits de sable collé" qui mettent l’accent sur la matière et le hasard.

En mars, à Paris, Jacques Trual et André Breton ouvrent la Galerie Surréaliste avec l’exposition Tableaux de Man Ray et objets des Îles (Océanie) qui établit pour la première fois un rapport entre la création surréaliste et des œuvres primitives. La presse est scandalisée par une statue océanienne, jugée indécente, choisie par Man Ray pour figurer en vitrine de l’exposition et en couverture du catalogue.

1927
En janvier, André Breton adhère au parti communiste.

En juin, la première exposition personnelle du peintre Yves Tanguy est organisée à la Galerie Surréaliste. Ses peintures, héritant de l’univers de Giorgio De Chirico, présentent un monde qui semble flotter entre le milieu sous-marin et le milieu terrestre.

André Breton écrit Nadja, portrait d’une jeune femme dont il a été amoureux et qui a sombré dans la folie. L’ouvrage s’achève sur l’affirmation désormais célèbre : "La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas".

1928
En février, paraît Le Surréalisme et la peinture, recueil d’articles d’André Breton sur Picasso, Giorgio De Chirico, Max Ernst, Man Ray, André Masson…

Salvador Dali et Luis Buñuel réalisent le film Un chien andalou grâce au mécénat de Marie-Laure et Charles de Noailles, qui financent aussi au même moment un autre film surréaliste resté célèbre, Le Sang d’un poète de Jean Cocteau.

1929
En février, André Breton adresse un courrier aux collaborateurs du Surréalisme pour mesurer "le degré de qualification morale de chacun", ce qui le brouille avec Bataille, Leiris et Masson. Cette démarche aboutit à la mise au point théorique que constitue le Second manifeste du Surréalisme publié en décembre.

Max Ernst réalise son premier roman-collage : Perturbation, ma sœur, la femme 100 têtes. En utilisant des gravures anciennes issues de l’imagerie populaire, Max Ernst présente un univers de rêve soumis aux caprices de l’inconscient.

Du 20 novembre au 5 décembre, à la galerie Gœmans, se tient la première exposition parisienne de Salvador Dali. Son œuvre invite à la pratique de la paranoïa-critique, méthode pour appréhender le réel en doutant de l’univocité de ses significations.

1930
En riposte au Second Manifeste, Georges Bataille fait paraître en janvier un tract intitulé Un cadavre dans lequel il dénonce les principes qu’il juge moralisateurs d’André Breton. Le tract est co-signé notamment par Michel Leiris, Robert Desnos, Raymond Queneau et Jacques Prévert.

Le premier numéro du Surréalisme au Service de la Révolution, dont le titre est suggéré par Louis Aragon, paraît en juillet et remplace La Révolution surréaliste.

En décembre, le second film de Dali et Buñuel L’Âge d’or est projeté au "Studio 28", salle de cinéma montmartroise. Des membres de la Ligue des patriotes et de la Ligue antijuive saccagent les locaux.

1931
Les artistes surréalistes sont exposés pour la première fois aux États-Unis, à Hartford (Connecticut). Cette manifestation réunit des œuvres de Salvador Dali, Giorgio De Chirico, Max Ernst, André Masson, Joan Miró, Picasso et Pierre Roy.

Alberto Giacometti réalise ses premières sculptures-objets, des "objets mobiles et muets" composés de formes organiques qui peuvent être mises en mouvement.

1932
En novembre, André Breton publie les Vases communicants, ouvrage qui tente d’établir l’existence de liens étroits entre les rêves et l’état de veille, dont il envoie un exemplaire à Freud. Il y critique les objets "à fonctionnement symbolique" de Salvador Dali qu’il juge trop réducteur du désir.

1933
Albert Skira publie la revue surréaliste Minotaure (1933-1938) dont le premier numéro est consacré à Picasso.

1934
Au Musée Royal de Bruxelles, les Surréalistes belges organisent la première grande exposition d'œuvres surréalistes venant de toute l’Europe qu’ils intitulent, elle aussi, Minotaure.

L’artiste allemand Hans Bellmer adhère au Surréalisme avec la publication dans le numéro 6 de la revue Minotaure (décembre 1934) de photographies présentant un de ses objets surréalistes, La Poupée.

1935
Alberto Giacometti est exclu du groupe. Il récuse son œuvre surréaliste et annonce son désir de travailler à nouveau "d'après modèle".

En novembre, la première exposition parisienne de l'artiste Victor Brauner est organisée à la galerie Pierre.

1936
En mai, à Paris, une exposition d’objets surréalistes à la galerie Charles Ratton réunit pour la première fois des objets naturels, des objets trouvés et des objets composés par les artistes surréalistes.

L’International Surrealist Exhibition est organisée à Londres par l’historien d’art Herbert Read, et préfacée par André Breton.

En décembre, le MoMA de New York présente l’exposition Fantastic Art, Dada and Surrealism.

1937
André Breton devient rédacteur en chef de la revue Minotaure.
Il fait paraître l’Amour fou.

1938
À la galerie des Beaux-arts, à Paris, se tient une nouvelle Exposition internationale du surréalisme, avec la collaboration scénographique de Marcel Duchamp. Cette exposition réunit plus de 60 artistes de différents pays, présentant près de 300 peintures, objets, collages, photographies et installations.

1939
Salvador Dali est exclu du groupe.

La guerre disperse les Surréalistes, dont une grande partie s’exile aux États-Unis : le modèle qu’ils représentent sera déterminant pour les mouvements artistiques naissants ou à venir, comme l’Expressionnisme abstrait, le Néo-dadaïsme, et le Pop Art.



Bibliographie sélective


Essais sur le Surréalisme

- Pierre Chavot, L’ABCdaire du Surréalisme, Paris, Flammarion, 2001
- Gérard Durozoi, Histoire du mouvement surréaliste, Paris, Hazan, 1997
- Jean-Paul Clébert, Dictionnaire du Surréalisme, Paris, Seuil, 1996
- Gaëtan Picon, Journal du Surréalisme : 1919-1939, Genève, Skira, 1976

Catalogues d’exposition

- La révolution surréaliste, Centre Georges Pompidou, Paris, 2002
- Miró, la Collection du Centre Georges Pompidou, Musée d’art contemporain de Bordeaux, 1999
- Man Ray, la photographie à l’envers, Centre Georges Pompidou, Paris, 1998
- Dessins surréalistes : visions et techniques, Centre Georges Pompidou, Paris, 1995
- Max Ernst, rétrospective, Centre Georges Pompidou, Paris, 1992
- André Breton, la beauté convulsive, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991
- De Chirico, Centre Georges Pompidou, Paris, 1983

Écrits d’artiste

- René Magritte, Les Mots et les images : choix d’écrits, Bruxelles, Labor, 2000
- Man Ray, Autoportrait, Arles, Acte Sud, 1998
- Joan Miró, Ecrits et entretiens, Paris, Daniel Lelong, 1995
- Salvador Dali, Journal d’un génie, Paris, Gallimard, 1994

Filmographie

Man Ray, Retour à la raison, 1922
Man Ray, Emak Bakia, 1926
Man Ray, L’Étoile de mer, 1928
Man Ray, Les Mystères du château de Dé, 1929
Jean Cocteau, Le Sang d’un poète, 1929
Salvador Dali et Luis Buñuel, Un Chien andalou, 1929
Salvador Dali et Luis Buñuel, L’Âge d’or, 1930

Liens internet

La Révolution surréaliste. Exposition, cinéma, publications...
Parcours de l’exposition La Révolution surréaliste
(6 mars – 24 juin 2002, Centre Pompidou)
Parcours Cinéma Luis Buñuel : Un chien andalou – L’Age d’or (sur la collaboration entre Salvador Dali et Luis Buñuel)
Collections du Musée : L’objet dans l’art du 20e siècle
Collections du Musée : pour voir toutes les œuvres de ces artistes appartenant aux collections du Musée.

Pour consulter les autres dossiers sur les collections du Musée national d'art moderne
En français 
En anglais 


Contacts
Afin de répondre au mieux à vos attentes, nous souhaiterions connaître vos réactions et suggestions sur ce document
Contacter : centre.ressources@centrepompidou.fr

 

Crédits
© Centre Pompidou, Direction de l'action éducative et des publics
Mise à jour : août 2007
Conception : Florence Morat
Documentation, rédaction : Vanessa Morisset
Montage : Anna Aleksandrowicz-Huertas
Coordination : Marie-José Rodriguez