C’est un noir vraiment très noir, qui absorbe entre 98 et 99 % de la lumière visible. Baptisé “Black 3.0” (Noir 3.0), il est en vente sur la page Kickstarter de l’artiste britannique Stuart Semple. Mais, comme nous apprend le site Dezeen, n’importe qui ne peut pas l’acheter. Ou plutôt si : n’importe qui peut l’acheter, sauf une personne. Tout acquéreur doit en effet cocher l’assurance suivante : “Vous n’êtes pas Anish Kapoor, vous n’avez aucun lien avec Anish Kapoor, vous n’achetez pas ce produit pour le compte d’Anish Kapoor ou d’un de ses associés.”

L’année où Stuart Semple a vu rouge

La mise sur le marché du “Black 3.0” “est le dernier épisode en date de la querelle qui oppose les deux artistes britanniques”, commente Dezeen. Ladite querelle à remonte à 2016, année où le plasticien Anish Kapoor, figure mondiale de l’art contemporain, a déposé les droits d’utilisation exclusive du Vantablack. Cette matière, mise au point par la société Surrey Nanosystems à des fins militaires, absorbe 99,6 % de la lumière visible, au point de rendre presque indiscernables le relief et les contours des objets qu’elle recouvre. C’est “le noir le plus noir jamais créé”, résume le site d’information londonien, spécialisé dans l’architecture et le design. Désormais, seul l’artiste britannique d’origine indienne a le droit d’utiliser ce pigment. Il l’a entre autres mis à profit pour son installation Descent into Limbo (“Descente dans les limbes”), un trou noir si noir qu’il a récemment attiré dans ses profondeurs un visiteur qui n’en demandait pas tant.

Ce monopole d’Anish Kapoor sur le Vantablack a fait grincer des dents. Une campagne a été lancée sur Instagram, baptisée #ShareTheBlack (partageons le noir). Et Stuart Semple s’est juré que son illustre collègue en verrait de toutes les couleurs. En 2017, il a commercialisé “le rose le plus rose”, accessible légalement à tous, sauf à Anish Kapoor. Une provocation à laquelle l’intéressé a répondu, sur Instagram, par une photo sans équivoque.

La même année, Stuart Semple a sorti un ultranoir parfumé à la cerise, mis en vente aux mêmes conditions légales. Et donc, en ce début d’année 2019, le “Black 3.0” : un peu moins noir que le Vantablack, certes, mais Stuart Temple assure que la différence entre les deux teintes ne se voit pas à l’œil nu. On attend désormais de savoir si riposte il y aura de la part d’Anish Kapoor. Le quotidien allemand Die Welt en est déjà à faire des paris :

“En sombre monopoliste qu’il est, Anish Kapoor ne devrait pas piquer une colère noire.”