« NOUS N'ÉTIONS POURTANT PAS SI BÊTES
DE CROIRE À LA TIARE ! »
EDMOND POTTIER, SALOMON REINACH :
DEUX AMIS DANS L'ÉPREUVE
Le nom de Salomon Reinach (185 8- 1932) est associé à la mésaventure du Louvre qui fit, en 1896, pour la somme de 200 000 francs, l'acquisition d'un faux : la tiare de Saïtaphernès 1. Au soir de sa vie, empêtré dans la controverse de Glozel, où la presse s'amusait à rappeler cet épisode fâcheux, le conservateur du musée de Saint-Germain-en-Laye ne cachait pas qu'il était injuste de le tenir responsable de l'achat de cet objet et coupable d'en avoir soutenu l'authenticité. Au début de l'année 1928, il prit la plume pour se défendre : « J'ai assez longtemps porté ce chapeau pour en être quelque peu excédé et le mettre bas » 2. Peine perdue. Les attaques redoublèrent. Mis en cause dans Le Temps par Paul Souday3, Reinach (fig. 1) invita son ami Edmond Pottier (fig. 2) (185 5-1934) à réagir. Il était le seul témoin encore en vie. Il pouvait rétablir la vérité. Pottier adressa au journaliste une lettre qui ne fut jamais publiée. Reinach en conserva soigneusement la copie. Elle fait partie de la correspondance léguée par le savant à la bibliothèque Méjanes (Aix-en-Pro- vence), aujourd'hui accessible, selon ses vœux, depuis l'an 20004. Au-delà du
1. Cf. A. Pasquier, « La tiare de Saïtaphernès, histoire d'un achat malheureux », La Jeunesse des musées. Les musées en France au XIXe siècle (sous la direction de Ch. Georgel), Paris, 1994, p. 300-313. Le montant de l'achat est à comparer au traitement annuel de Pottier, conservateur au musée du Louvre en fin de carrière : 14 000 francs. Sur ce chiffre, voir R. LanTIER et Ch. PICARD, « Edmond Pottier (185 5-1934) », RA, 1934, p. x.
2. S. Reinach, « Appendice sur l'histoire de la tiare », Ephémérides de Glozel, Paris, Kra, 1928, p. 271.
3. Article du 8 octobre 1928. Dès le 23 octobre 1927, le journaliste du Temps a évoqué, à propos de Glozel, la tiare. Dans Comoedia du 25 décembre 1927, Lucien d'Autremont associe, le premier, coiffe de Saïtaphernès et bonnet d'âne.
4. Je dois, une fois encore, exprimer tous mes remerciements à M. Philippe Ferrand, conservateur à la Méjanes (Aix-en-Provence), à Mme Michèle Allard et à l'ensemble du personnel de cette
