"Voulez-vous être ceux à qui la postérité reprochera la destruction de la Vénus de Milo et celle de la Victoire de Samothrace ?"

Jacques Jaujard

Bonjour,
Aujourd'hui : "Coup de théâtre !"
Où l’on découvre un déménagement pas comme les autres.

 

Paris, 1939. Les équipes du musée du Louvre s’affairent depuis plusieurs mois. On prépare l’évacuation des collections, par crainte des bombardements allemands.
Les œuvres doivent quitter la capitale au plus vite. Cependant, une toile pose problème…

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Gardiens et conservateurs du musée du Louvre procédant à l'emballage de La Victoire de Samothrace, 1939, photographie, photo : © Tallandier / Bridgeman Images
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Il s’agit du Radeau de la Méduse de Géricault. Ses dimensions sont impressionnantes ! Avec près de cinq mètres sur sept, le tableau ne rentre dans aucun des camions du musée.

Et hors de question de rouler la toile, cela risquerait de l’abîmer. On décide donc d’appeler la Comédie française à la rescousse.

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Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, vers 1818-1819, huile sur toile, 491 x 716 cm, Musée du Louvre, Paris
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Le théâtre possède en effet une remorque assez grande pour déplacer de gigantesques décors de scène. Ni une, ni deux, le véhicule est réquisitionné et le tableau chargé.

Les employés du Louvre savent que son périple jusqu’à Chambord, où il doit être mis à l’abri, n’est pas sans risque. Pour traverser Paris incognito, le chauffeur est obligé de conduire de nuit, tous feux éteints. Le trajet a été minutieusement anticipé en fonction de la hauteur des tunnels.

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Déplacement du Radeau de la Méduse du Musée du Louvre vers la remorque de transport, 1939, photo : DR
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Mais les choses se corsent en traversant Versailles. Le Radeau chavire en s’accrochant aux câbles du tramway ! Une étincelle jaillit et provoque un court-circuit, plongeant la ville dans le noir. Pas des plus discrets...
Obligé de s’arrêter au château, le convoi ne repart que quelques heures plus tard.

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Louis Le Vau, Jules Hardouin-Mansart, Château de Versailles, XVIIe-XVIIIe siècles, photo : Marc Vassal
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Le Radeau arrive finalement sans égratignure à Chambord, au beau milieu de la nuit.
Après la guerre, le retour sera tout aussi spectaculaire. Mais heureusement, le musée ne commettra pas deux fois la même erreur : la Société versaillaise des tramways, prévenue, prendra toutes les précautions !

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Château de Chambord, XVIe siècle, photo : JPC24M
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Robert Rey, conservateur du musée du Louvre (à gauche) et James Rorimer, un Monuments men (groupe volontaire pour protéger le patrimoine pendant la Deuxième Guerre mondiale) devant l'emplacement vide de La Joconde, 1944, photo : National Archives and Records Administration, College Park
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" Voulez-vous être ceux à qui la postérité reprochera la destruction de la Vénus de Milo et celle de la Victoire de Samothrace ? "

- Jacques Jaujard -

Racontée par Aurore Billon

Validée par Gérard Marié,
professeur d'histoire de l'art
Sciences Po Paris

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